Black & White [PV]

J'en fais tout un plat si j'en ai envie ! Je suis chez moi ici !!

Nous avançâmes dans les couloirs durant plusieurs minutes. Je m'orientais assez facilement, je connaissais le palais presque comme ma poche - même si je n'en avais pas.

Non, vous ne voyez pas...

Nous arrivâmes enfin dans la fameuse pièce et j'entrai assez prudemment. Et je le découvris sur le trône de mon père, installé nonchalament. J'eus un frisson d'horreur : il n'avait pas changé, il était toujours effrayant et la même lueur brûlait dans ses yeux.

Il prit la parole de la même manière que tout à l'heure : méchamment, avec un ton que je n'appréciais guère mais qui me glaçait le sang.

Je ne suis peut-être pas la plus intelligente ici, mais je ne suis certainement pas stupide !

Je n'avais pas pu retenir cette phrase piquante envers lui. Je ne m'en serais jamais crue capable, mais ce qu'il avait infligé à mes parents me révoltait. Alors, même si j'avais horriblement peur de lui, et que cette peur était aisément perceptible, je me sentais le devoir de le défier pour eux ! Ils étaient dans un tel état qu'aucun des deux n'aurait pu le faire...

Du haut de seize ans, elle ne les faisait vraiment pas, la Princesse d'Eternia défia du regard, comme verbalement, mon père. C'était bien la première fois que j'assistais à ce genre scène! Personne n'osait s'interposer lorsqu'il était là, il était trop effrayant et c'est comme si la pression augmentait dans la pièce à chacune de ses répliques cinglantes. En fait, même moi j'avais la trouille et je n'aurais jamais osé dire "Non" face à lui. Aussi j'obéis à l'ordre qu'il n'avait pas besoin de formuler et je fis en sorte de faire sortir celle qui le gênait.

Viens ici, toi!

La maintenant par les épaules, je la poussais vers le couloir en espérant qu'elle ne fasse tout une scène. Ce n'était pas le moment d'énerver mon cher père, il fulminait! Elle avait de la chance qu'il désire profiter de sa victoire au maximum avant l'heure de la mise à mort!

Grouilles-toi avant qu'il ne change d'avis et décide de te faire subir le même sort qu'à eux!

Mais il était trop tard. Quittant rapidement le siège sur lequel il reposait, Agon s'avança vers nous, le regard mauvais. Elle l'avait réellement mit en rogne et il comptait bien passer ses nerfs sur elle maintenant.

Comment oses-tu m'adresser la parole sur ce ton, sale gamine! Tu mériterais que l'on t'apprenne la politesse et plus vite que ça!

Ce cher Valdios se hâta de tenter de me pousser hors de la pièce lorsque j'eus prononcé ma dernière phrase. Mais je n'allais pas quitter cet endroit ! Pas après avoir failli me tuer en essayant de venir ici. De plus, mes parents étaient là, et je ne voulais pas les abandonner !

Non, je ne me "grouillerai" pas... Même si je ne suis pas tout à fait sûre de la signification de ce mot... Je préfère encore subir le même sort, parce que je n'ai justement qu'eux...

Avant que nous n'ayons franchi le pas de la porte - Valdios était légèrement plus fort que moi -, Agon se leva et s'avança vers nous. Son regard mauvais augmenta les frissons me parcourant l'échine, mais je n'allais pas me laisser faire ! J'avais jeté un oeil à mes parents et constaté leur état... Si eux ne pouvaient le faire, alors c'était à moi de le défier !!

La politesse ? Savez-vous seulement ce que cela veut dire ? Vous entrez sans frapper, vous vous invitez ici comme un mal-propre, vous torturez et tuez ceux qui ne vous ont rien fait, vous êtes un grossier personnage et vos phrases ne sont même pas d'un niveau assez élevé pour paraître nobles ! Certes, vous êtes effrayant, mais vos manières qui laissent trop à désirer me font presque pitié ! Vous n'êtes qu'un rustaud, une brute, rien de plus...

Je n'aime pas que l'on se dresse devant moi! Et surtout pas lorsqu'il s'agit d'une femme, que dis-je d'une gamine qui n'a quittée le sein protecteur de sa mère que depuis très peu de temps. Je comptais te laissée en vie mais je ne laisserais une telle insolente exister face à moi! Tu mourras tout comme tes parents. C'est couverte de poussières et du sang de ton peuple que tu rejoindras l'autre monde. En espérant que pour toi il ne soit qu'un éternel cauchemard où j'apparaîtrais comme ton ultime bourreau...

Père!

Sortant de la léthargie dans laquelle l'échange entre les deux nobles l'avait plongé, Valdios trouva enfin le courage de réagir, de s'interposer. Aussi brutal et froid qu'il pouvait être, et malgré toutes les rumeurs et les paroles prononcées sur un coup de tête, il n'aurait jamais toléré qu'on s'attaque à une femme de cette manière. La faire souffrir ou la tuée d'accord, mais il y avait des conditions à respecter. Aussi étrange que cela pouvait paraître, il existait pour lui un code de l'honneur lorsqu'un meurtre devait être commis. Il n'était pas pour la barbarie de son géniteur et ne tuait pas sous le coup d'une impulsion passagère contrairement à lui.

C'est à moi que vous l'avez donnée. C'est donc moi qui déciderais de son sort, ou du moins de la manière dont elle quittera ce monde. Je m'en chargerais! Je serais celui qui l'éliminera puis-ce que vous désirez à ce point là voir son corps glacé.

Bien. Puis-ce que tu insistes. Mais prends garde, je ne tolérerais pas une autre erreur de ta part! Je commence sérieusement à douter de ton obéissance et de ta fidélité...

Je ne vous décevrais pas Père. Maintenant puis-je me retirer...?

Un seul regard lui indiqua qui avait intérêt à se retirer justement. Avant qu'il ne change d'avis sûrement...

Viens...

Attrapant doucement le coude de la princesse, il la tira à sa suite ne lui laissant cette fois pas le choix. Il était clair que ce n'était pas le moment de résister et que rester aux côtés d'Agon devenait de plus en plus nocif. Autant pour elle que pour lui. Aussi il ne fallut pas bien longtemps pour que les deux adolescents ne retrouvent le calme rassurant de la chambre. Ce n'est que dans cette dernière qu'il décida de la lâchée, allant ensuite fermer la fenêtre en soupirant. D'accord, c'était mieux qu'elle ne soit pas tuée par son père mais aurait-il réellement la force de le faire lui-même, de sang froid?

Avec un sourire qui se voulait rassurant, il se tourna lui faisant enfin face alors qu'il avait été dos à elle durant de nombreuses minutes. Ne pas l'effrayée était la première chose qu'il fallait prendre en compte. Même si maintenant, c'était plutôt raté puis-ce qu'elle avait assistée à sa discussion avec le Seigneur des Enfers.

Je suis désolé, mais je n'ai d'autre choix que d'obéir... dit-il avec une sincérité presque touchante vu la situation. Si je pouvais décider, jamais je ne t'aurais fait de mal.

Et c'est sûr ses mots, pleins de bons sentiments, qu'il sortit sa lame d'argent, au par avant coincée dans la ceinture de son pantalon. La faisant tournoyée entre ses doigts fins, il ne tarda pas à stoper son mouvement pour s'avancer vers Serenity. La pauvre enfant n'avait pas bougée, restant adossée à la porte qu'il avait verouillée à son retour.

Enserrant étroitement sa taille, un doux sourire éclaira ses lèvres alors qu'il effleurait sa gorge de ces dernières. En plus de l'avoir parée des plus beaux atouts, les Dieux lui avaient donner un exquis parfum, fragrances perdues de l'enfance si sucrée.

Cela me fait affreusement mal au coeur de devoir me débarassée de toi. Quelle tristesse de voir une telle beauté quitter ce monde...

Vis Serenity... Vis les minutes les plus incroyables de ta vie tant que tu le peux encore.

Je voulais répliquer, je voulais me défendre devant lui, je voulais défendre mes parents ! Mais Valdios m'empêcha de répliquer, et j'avouai avoir du mal à trouver une réponse à ça. Je n'avais pas pour habitude de m'adresser à des personnages de ce genre, à vrai dire.

Sans me demander mon avis - encore une fois -, il me tira hors de la vue de cet immonde personnage. Nous retournâmes dans la chambre qu'il occupait et il alla fermer la fenêtre. Je restai contre la porte, me rendant peu à peu compte de ce que j'avais fait : j'avais défié Agon, le seigneur des ténèbres, et maintenant son fils allait me tuer pour mon impertinence. Sur le moment, je l'avais fait naturellement, je pensais devoir le faire. Mais maintenant, je me rendais compte de l'ampleur des dégâts occasionnés...

Il se tourna vers moi et s'excusa de devoir le faire. Finalement, lui n'était peut-être pas si terrible. Pourtant... il y avait un abîme immense entre le fait de le regretter et celui de le faire vraiment... Et il semblait qu'il ait choisi le côté qu'il préférait. Déjà, il dévoilait la lame flamboyante sous la lueur des bougies. Alors qu'il approchait, la faisant tournoyer d'une manière que je trouvais fort menaçante, je me décidai à fermer les yeux. Je voulais bien ne pas crier, ne pas montrer ma douleur, mais je ne me sentais pas la force de regarder la mort en face, le regarder lui...

J'attendais le coup, la douleur. J'en cherchais les symptômes, l'apparence. Cependant, elle ne vint jamais. Un simple souffle caressa ma gorge, puis des lèvres. Il m'empoigna et je rouvris les yeux, perplexe. Je retenais toujours ma respiration, osant à peine autoriser l'oxygène à pénétrer en moi.

Sa voix se fit à nouveau entendre, plus douce, mais plus sensuelle aussi. Presque hypnotisante. Un instant, je faillis me laisser tenter par le diable, mais la raison revint au galop, fluide et aisément perceptible, comme cognant de toutes ses forces pour se faire entendre.

Non !!!! criai-je en le repoussant et en m'extirpant de son emprise.

Je repris mon souffle en m'éloignant de lui, mais en restant à portée de sa lame. Je ne fuierai pas la mort... Si nous étions tous voués à disparaître, je voulais laisser une noble image de la famille des d.Lockart, comme mon père et ma mère le feraient certainement !

Je ne suis pas aussi désespérée...

Enfin, j'avais beau l'affirmer, c'était tout de même le cas : j'étais désespérée, mais peut-être pas au point de faire cela...

Tuez-moi, mais laissez-moi ma décence. Ne m'ôtez pas cela...

Dans un excès de lucidité - ou de folie, voyez cela comme vous le voudrez -, je revins vers lui et me saisis de la main qui tenait la lame. Je posai sa pointe sur ma poitrine et gardai mes yeux dans les siens.

Faites-le en me regardant droit dans les yeux, je ne bougerai pas. Je ne ferai rien pour vous empêcher de me.. tuer. Obéissez à votre père. S'il le faut, je vous accorde même le pardon... Alors n'hésitez plus.

Alors que dans le feu de cette douce folie passagère le Diable allait apposée sa marque dans la si tendre chaire de la Princesse d'Eternia, cette dernière le coupa net dans son élan. Pleine de courage, teinté d'une frayeur quittant peu à peur ses traits, la douce enfant le repoussa s'envolant ensuite dans un discours bien étrange, quoi qu'assez légitime au vu de la tournure des évènements. Avec un étonnement non feint, son bourreau prit quelques instants pour l'observer avant de se rendre compte que ses gestes avaient été malinterpèter. Se confondant en excuse, il ne manqua pas de fournir une explication à sa victime, ne voulant pas qu'elle le considère comme un homme de ce genre. La question était: Pourquoi prenait-il autant de soin à l'envoyer en douceur à la mort? Et la réponse serait sûrement qu'il n'en avait pas la moindre idée.

Loin de moi cette idée. Jamais je n'aurais oser t'imposer une telle supplice...

Troublé par le contact chaud de ses paumes, il se laissa guider lorsqu'elle s'empara de sa main pour la placer à hauteur de sa poitrine. Bientôt la lame reposa contre celle-ci n'attendant qu'à pénétrer sa peau. Elle le pria d'agir vite et sans hésitation. Ainsi elle s'était décider à faire face à celui qu'animait la Mort. C'était une bien grande preuve de courage.

Si elle montrait autant de détermination, c'était à lui désormais d'être à la hauteur de sa tâche. Faire traîner l'affaire ne servirait à rien, personne n'allait faire une entrée magistrale dans la pièce pour lui indiquer que le Seigneur des Enfers avait changer d'avis. Aussi c'est très rapidement qu'il releva la tête pour plongée ses prunelles améthystes dans celle de la Belle, d'un bleu d'une pureté incomparable. D'un geste leste, il fit tourner la lame avant de l'enfoncer jusqu'à la garde, la retirant ensuite dans un mouvement rapide et sans à coup.

La Mort ne t'attendra plus bien longtemps... As-tu une dernière volonté, Ô grande Altesse du Royaume d'Eternia?

Il tint à se justifier, comme pour effacer un mal-entendu. Avais-je réellement mal compris ses intentions ? Je n'en savais rien, et cela ne changeait de toute façon rien. Il voulait me tuer, il allait le faire, j'allais mourir, cela n'avait plus aucune importance à mes yeux.

Eh bien soit, je vous crois puisque vous semblez l'affirmer avec tant de ferveur !

Il ne fallait pas qu'il traine pour ne pas que ma volonté ait le temps de vaciller et de s'éffriter. Mon courage ne tiendrait pas bien longtemps, je n'allais pas pouvoir garder cette froideur piquante beaucoup plus longtemps contre moi, ni ces yeux enfin rivé dans le mien durant des heures...

Le regard de la mort me semblait presque doux lorsqu'il portait ses traits. Peut-être un instant eus-je presque le sentiment de le trouver beau - certes, il l'était -, mais cela se ramenait vite à de la pitié, et de la peur. Il était le bourreau et j'étais le condamné à mort, il n'y avait aucun autre sentiment possible entre nous. Les secondes s'attardant telles des somnambules me le faisaient voir de cette façon, et d'aucune autre...

Au premier instant, il n'y eut aucune douleur. La surprise du froid s'enfonçant dans la chair fut l'unique sensation. Puis elle arriva... La chaleur causée par la plaie nouvelle, insoutenable, mordante, brûlante. Une sensation d'oppression dans la poitrine, sensation que l'air ne rentrait plus, remplacé par autre chose. Cette chose rouge qui constitue chaque être, cette chose chaude qui s'échappait de la blessure. Tout cela, en une infime seconde...

Le froid de la lame disparut mais fut bientôt remplacé par un autre bien plus déséquilibrant. L'être vivant sent lorsqu'il est sur le point de mourir, lorsque la fin approche, lorsqu'il est touché à mort, lorsque la dernière heure approche. Même sans avoir jamais touché une épée, sans jamais avoir réellement vécu, il le sait. Comme je le sus, je le ressentis sous cet océan de douleur bien plus développé que le moindre de mes bobos passés. La douleur n'était cependant pas uniquement physique... Un sentiment d'échec, de perte, de fin... Moi qui avais espéré pouvoir un jour découvrir le monde, aider des centaines de personnes à l'aide d'un quelconque moyen ! Je pensais vraiment pouvoir accomplir des choses, grâce à mon statut privilégié. Je m'en plaignais parfois, certes, mais j'en avais pris pleine conscience. Je ne l'avais encore dit à personne car mes parents auraient sans doute trouvé cela mauvais pour moi pour l'instant, c'était encore trop tôt ! Ils n'auraient jamais accepté que je nourrisses de telles idées à mon âge, et surtout pas que j'aille envie de les mettre en pratique ! Ils essayaient simplement de me protéger...

Les aventures que je lisais se terminent toujours sur une fin heureuse, pas celle-ci. Elle a été coupée en plein milieu, avant le dénouement. On n'en connaîtra jamais la finalité heureuse. On ne lui a pas laissé le temps de s'épanouir. Elle est terminée avant que le conteur en ait voulu ainsi. On a brûlé les pages, la suite a disparu. L'héroïne se meurt, seule, seule...
Une fleur coupée alors qu'elle éclosait à peine, qui ne peut plus survivre, qui ne fleurira plus jamais. Elle ne pourra pas prospérer, personne ne le pourra plus ici...

Le goût métalisé du sang imprégna jusqu'à mes lèvres. Je sentais la vie me quitter à une vitesse étonnante. Moi qui m'étais toujours demandé ce que cela faisait de mourir, j'en faisais l'expérience bien assez tôt ! Je n'avais pas eu trop à attendre, devais-je m'en plaindre ?

Sa voix résonna à mes oreilles. Je remarquai que mes mains étaient posées sur la plaie, comme pour essayer de la compresser, de la faire disparaître d'une quelconque manière. Mon regard n'avait pas quitté le sien, mais d'une seconde à l'autre je ne le voyais plus vraiment. Il était là, puis disparaissait. Mais il était là...

Ne te moque pas de moi, démon.

Rien que le fait de faire entendre ma voix me sembla un être un effort surhumain. Cette voix pourtant si familière se faisait attendre, était hésitante, et difficile à maîtriser. Elle était aussi douloureuse... Mais soit, je ne renoncerais pas à mes dernières paroles, peu importe par qui elles seront entendues !

J'aimerais... J'ai toujours voulu visiter le monde... m'échapper du palais ne serait-ce que pour quelques heures... Emmenez-moi... Je voudrais tellement pouvoir m'envoler au-delà des nuages... voir ce qu'il y a de l'autre côté... Est-ce vraiment comme ce que l'on dit dans les contes ? ... Le soleil y sourit-il ? ... Et les oiseaux ? ... Voler à leur côté, partager un instant futile et démesuré de temps avec eux...

Mes paroles se faisaient confuses, témoignant de mon état qui l'était tout autant. C'était une requête futile, égoïste, et totalement hors de propos. Mais elle était la toute dernière que je pourrais jamais prononcer...

Voilà ce que j'aimerais...

Quelle sensation étrange! Alors que l'on pouvait compter le nombre de mes victimes par dizaine, jamais je n'avais ressentis une telle chose. Cette impression que vous avez quant vous avez la connerie de votre vie. Bon cela m'était arriver à de nombreuses reprises, mais dans de toutes autres conditions. Mais pourquoi justement avec elle? Etais-ce parce que dans mon fort intérieur, je commencais à me rendre compte que mon père faisait n'importe quoi? Non sûrement pas, ça cela faisait longtemps que je le savais! Que se passait-il alors?!

Bref alors que je prenais conscience de mon acte, je reculais légèrement mon buste penché sur sur elle, laissant tomber l'arme du crime sur le sol. Le bruit de la chute du métal teinta quelques instants à mes oreilles, avant que je n'oublie sa présence. Maintenant il n'y avait plus qu'elle qui était entrain de mourir qui comptait à mes yeux.

Elle fit une demande fort surprenante mais totalement accessible. C'était une requête aussi extrêmement mignonne, pleine de candeur et de rêve enfantin. C'est vrai, il ne s'agissait que du enfant qui n'avait jamais rien demander à personne et qui pourtant allait mourir.
Avec un léger sourire, je la pris délicatement contre moi avant de la soulevée. Puis-ce qu'elle voulait voler alors elle le ferait! Je me dirigeais rapidement la fenêtre et l'ouvris, accueillis par une froide bourrasque de vent.

Les étoiles sont magnifiques, c'est une belle nuit pour les rejoindre...

Me laissant tomber dans le vide, je déployais très vite mes ailes avant de prendre de l'altitude. Je voulais m'éloigner le plus possible du sol avant de stabiliser ma vitesse et pour rester à la même hauteur. Choisissant de traverser au plus vite le désert, j'allais en direction de l'océan où l'air serait plus doux et la vision bien plus agréable. Peut-être tiendrait-elle aussi jusqu'au levé du soleil...

Je ne savais pas s'il allait accepter et je devais avouer que cela m'importait peu. Je n'aurais même pas pu affirmer tenir jusqu'à la fenêtre, alors me retrouver dans les nuages était impensable ! Le délire s'était sans aucun doute emparé de moi, rien de plus, rien de moins. Je comprenais à présent ses paroles : vivre l'instant présent, ne pas regarder le futur. C'était d'autant plus vrai qu'il n'y avait plus de futur, et un court instant présent...

Il me prit cependant dans ses bras et nous quittâmes le sol pour la deuxième fois de la journée. De manière paradoxale, c'était moins terrifiant que ma chute de tout à l'heure... Je me laissai emporter sans opposé aucune résistance, chose qui m'était à présent impossible, et l'avait certainement toujours été. La fenêtre s'ouvrit et je sentis à peine le frisson de cette bourrasque glaciale, tant mon corps me semblait lui aussi glacé autour d'un point gardant encore sa chaleur.

Croyez-vous que je les rejoindrai ? N'est-ce pas qu'une légende ?

Je ressentais vaguement les mouvements de ce Valdios, se frayant un chemin à travers le ciel. Il faisait de plus en plus froid tout autour. Je ne savais absolument pas où il m'emmenait, mais je me sentais étrangement en confiance. Je n'avais pas connaissance de la raison, ici non plus.

M'emmenerez-vous sur la lune ce soir ? ... Les héros des livres que j'ai lu promettaient toujours à leur aimée... qu'ils leur décrocheraient l'astre des cieux noirs... M'y conduirez-vous ?

J'apercevais de manière assez floue les contours blancs se détachant facilement sur le fond bleu foncé. La lune était pleine, ronde et parfaite. Elle ressemblait presque à une pierre opale, ou plutôt à une perle de nacre tout à fait royale.

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